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ALBAN, héros des Flandres

Monsieur Sébastien

" J'ai lu bien des choses et peu de choses me sont arrivées." Jorge Luis Borges 

Lundi 31 août 2020

  

  Dorénavant, la règle de monsieur Sébastien est de se confronter aux problèmes humains, les plus emberlificotés soient-ils… en l’occurrence aujourd’hui même, à Amboise, où il reçoit les confidences de son oncle Alban, à la suite d’un déjeuner familial. Dans son jardin, à côté d’un coquet fraisier remontant agréablement parfumé, celui-ci lui glisse à l’oreille, que par la faute du traité d’Aix-la-Chapelle, accordant des avantages territoriaux à la France, une profonde blessure a mutilé le pays flamand et ne s’est jamais cicatrisée.
  Sébastien signale avec ménagement à son oncle, que la Flandre n’intéresse pas forcément tout le monde à l’heure où l’Amérique et la Chine triomphent dans le commerce mondial, où les océans ne sont plus que des poubelles, mais Alban clame, à cor et à cri, qu’il serait temps d’ouvrir les yeux et il entonne sur le champ, un hymne à la gloire de Pieter Bruegel le peintre de La Chute d’Icare qui n’a pas été influencé le moins du monde par les primitifs allemands, lui confie-t-il, si ce n’est par le singulier Jérôme Bosch, au moment où Estelle les appellent pour le café.

  Ne sachant trop quoi argumenter, Sébastien demande à tout hasard :

  - C’était quand ce traité d’Aix-la-Chapelle ?

  - Le 2 mai 1668.

  - Tu en es sûr ?

  Interloqué par le doute de Sébastien, Alban jette un regard empreint d’inquiétude à son neveu. Son oncle, à cet instant précis, ressemble à Septimus, personnage d’un roman célèbre, venu d’ailleurs, perdu dans le monde du dehors et circulant dans son monde du dedans en se cognant sans trop le savoir à ses parois.
  Estelle, de sa cuisine les appelle à nouveau : « Le café est servi les garçons… il va refroidir ! »

  - C’est affreux, hurle Alban dans le jardin, affreux, affreux !

 - Et si tu essayais de raconter tout ça sur Facebook, je m’y suis inscris récemment, lui susurre Sébastien.

  - Facebook ?

Il fronce les sourcils, tout en laminant abominablement le pied d’un fraisier.

  - J’y ai retrouvé Charles, un ami qui a fait Woodstock en 69.

  - Woodstock ?

  - Tu sais le grand concert hippie.

  Le clin  d’œil de Sébastien à l’adresse de son oncle demeure sans effet. Alban lui explique, les larmes aux yeux, que les rois de l’époque 1668 ont été vraiment méchants. Sébastien le voit regarder le ciel. Les arbres ondulent, se dressent dans son jardin, mais il ne les voit pas. La beauté qui surgit instantanément n’est pas dans son horizon. Ni les feuilles de son fraisier remontant qui tremblent au moindre souffle d’air et le soleil si doux aujourd’hui qui les fait resplendir des jolies couleurs du printemps. Il marmonne, se tord les mains, confie à Sébastien en une ultime supplique : « Toi aussi tu as du sang flamand ! » 
  Ils regagnent la maison pour le café. Alban s’absente avant de revenir tenant dans ses mains un livre qu’il vient de terminer d’écrire, à titre confidentiel, qui relate la vie d’un héros à sa ressemblance, natif de la Flandre française et demeurant à Haubourdin dans la banlieue de Lille : Tyl Uylenspiegel de retour en Flandre.

  Dans un pur élan de gentillesse, Alban tend le livre à son neveu :

  - C’est pour toi, Sébastien !

 

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