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Fernande, l’artiste du tricot

Monsieur Sébastien

" J'ai lu bien des choses et peu de choses me sont arrivées." Jorge Luis Borges 

Vendredi 21 août 2020

  

  Monsieur Sébastien retrouve dans sa bibliothèque, glissées entre deux livres, les cartes anniversaires coquettes et délicieuses, que lui envoyait par le passé sa belle-mère Fernande. Lui revient, en un instant, que cette femme était la bonté faite femme. Il pense : « A présent, elle voyage quelque part dans cet univers cosmique où d’aucuns imaginent qu’après trépas les âmes se rejoignent entre elles. Et les âmes, est-ce qu’elles se parlent en espéranto? Et comment se voient-elles dans le Grand Invisible. Fernande a-t-elle rejoint l’âme de son Maurice. L’ordre cosmique se soucie-t-il des vivants ? » Laissant de côté ses réflexions, il examine les cartes.
  Telle année, j’ai reçu celle-là, ou non, c’était celle-ci ! Il n’en a plus le souvenir exact. Au hasard, il en ouvre une. Des mots tout simples, écrits avec le langage du cœur : « Je vous souhaite un très joyeux et heureux anniversaire Sébastien et de gros bisous. Fernande.

  Il lit, légèrement en dessous, presque caché derrière la signature de sa femme, un « Maurice » tout timide.

  Les larmes lui montent aux yeux. Il imagine une situation forclose de la vie d’avant : « Maurice, tu veux bien signer la carte d’anniversaire à Sébastien. »

  La bonté faite femme.

  Et s’il devait lui rendre hommage, que lui dirait-il ? Qu’elle était une belle-mère attentive aux uns et aux autres ! Que pendant des lustres, elle a reçu sa famille à déjeuner les dimanches, les comblant de repas pantagruéliques. « C’est trop ! C’est trop ! », lui clamait-on, presque à reproche. A chaque invitation filtrait les aromes d’un plat de langoustines à l’estragon et au beurre citronné ou le fumet d’un plateau de charcuterie gorgé de saucisson, d’andouille de Vire ou de jambon cru, Parme ou Bayonne. Ça n’était que les entrées et les appétits étaient déjà bien émoussés pour la suite à venir.

  A la fin de sa vie, grabataire, Fernande passait ses journées devant la télévision. A portée de main, outre son journal, il y avait son kit de tricot avec ses patrons et un carton empli de dizaines de pelotes de laine Bergère de France. De par ses mains toutes fines, armées d’aiguilles à tricoter, allaient naître les chandails ou autre lainages de la famille. Ex petite main en haute couture chez Lanvin, elle était l’artiste du tricot.
  Sébastien n’avait pas vu, de son vivant, à quel point cette femme était belle et généreuse, comme le sont très souvent les gens simples, prêts à vous rendre service, même s’ils ne possèdent pas grand-chose matériellement parlant.

  Il range les cartes, là où elles se trouvaient, tandis qu’une illumination le parcoure. Sur le calendrier, accroché dans l’entrée de sa maison, auquel il n’avait pas prêté attention, il lit 10 avril.
  C’est aujourd’hui son anniversaire.

 

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