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Vagabondage à Los Angeles

Demande à la poussière de John Fante 

Demande à la poussière, c’est l’histoire d’Arturo Bandini, calquée sur la vraie histoire de John Fante, tant héros et auteur se confondent. 
 Agé d’une vingtaine d’années, Arturo, débarque à Los Angeles. Il s’installe au St Paul Hôtel, se nourrit de vieilles oranges et souhaite devenir écrivain. J.C Hackmuth, directeur d’un magazine littéraire, a publié une nouvelle de lui « Petit Chien Qui Riait », « la meilleure chose que je peux avancer jusqu’à présent pour justifier mon existence ».
Au café du coin, il fait la connaissance de la jeune serveuse Camilla. Une « fille-fleur » du vieux Mexique » avec « beaucoup de rouge sur les lèvres », mais avec de minables chaussures, des huaraches dont les lanières usées font le tour des chevilles.
Le couple atypique se rend à la plage à bord de la guimbarde de Camilla, un roadster Ford 1929 aux pare-chocs défoncés. Mais à ce rendez-vous avec la sensualité, ça se complique ! Empêtré dans un sentiment d’impuissance, Arturo est pris en otage entre attirance et répulsion. Alors il use, pour s’en sortir d’attitudes clownesques. Ou bien il joue les blasés et humilie Camilla autant que lui-même se sent humilié.
De retour en ville,  il lui envoie pour se faire pardonner des télégrammes sur lesquels il écrit des poèmes, car il l’aime au fond « sa princesse Maya ».
Camilla, plus entreprenante qu’il ne l’est, nage en pleine turbulence affective. Elle est intéressée par Arturo, mais elle aime également Sammy, un serveur de café tuberculeux, réfugié dans le désert et qui s’en désintéresse.
Au fil de ses pérégrinations, Bandini rencontre Vera, une vieille femme dont le corps abîmé le dégoûte. Après bien des tâtonnements, il fait l’amour avec elle en pensant à Camilla.
En la quittant, il est envahi d’un sentiment de culpabilité inextinguible. Survient un tremblement de terre dans un quartier de Los Angeles, dont il se sent responsable. « C’est toi qui a fait ça Arturo. C’est la colère de Dieu. Tout ça c’est de ta faute. »
C’est le point d’orgue du roman. Arturo adulte est envahi par Arturo petit garçon qui prend toute la place et se met à interroger la poussière. Face à la décomposition des éléments urbains (réels ou hallucinés), il passe en revue les mythes et autres fondations archétypiques de l’homme. Sa vision sur le monde atteint à ce moment un paroxysme de clarté.
Demande à la poussière est un roman initiatique, mâtinée par instants « D’attrape cœur salingerien ». Mille et une élucubrations nourrissent les aventures d’Arturo Bandini.
Et que de frasques ! Que de provocations ! Ainsi ce reporter imaginaire qui demande à Arturo: « Comment êtes-vous arrivé à écrire ce livre qui vous a valu le prix Nobel. »
Ou encore ses discussions avec Dieu, quand celui-ci s’en vient titiller ses pensées : « Descends de là-haut, descends pour voir un peu que j’écrase ta gueule sur toute la ville de Los Angeles. »
 Emberlificoté dans ses paradoxes, gangrené de solitude, Arturo Bandini est un personnage attachant et nous fait rire par l’autodérision qu’il porte sur lui-même.
Alchimiste de la plume, John Fante récupère à merveille l’angoisse de son héros pour la métaboliser en énergie créative.
 Selon un autre angle de lecture, on perçoit, en filigrane indirect, l’arrivée de ces milliers d’immigrants débarquant à Ellis Island en quête de rêve sur le sol américain… Quelle douche glaciale lors du débarquement! Quelle désillusion ! Car le pays « du dream » se révèle brutal, impitoyable,  et il faut ou entrer dans le moule ou repartir.
John Fante, c’est l’enfance pauvre et la misère de l’immigré italien de la deuxième génération. « Ils m’ont tellement fait de mal que je n’ai jamais pu devenir comme eux et leur ressembler. A cause d’eux je me suis réfugié dans les livres, renfermé sur moi-même. »
Et pourtant, malgré cela, il clame un peu plus loin haut et fort : « américain et foutrement fier de l’être. »
 Ainsi, le sentiment d’humiliation sans doute réel, parfois un peu appuyé, est le moteur d’Arturo Bandini alias John Fante. Une sorte de prétexte à rebondir. L’écriture de ce roman est celle des  tripes et du cœur, sans tricherie, ni alambiquage stylistique, même si Fante n’en serait pas à une contradiction près.
Mais que Demande à la poussière est drôle ! Quel traitement contre la morosité ! Contre les bobos craintifs ou les refuges cotonneux.
Un bonheur de lecture assuré.

Que dire d’autre !

Impossible de lâcher le livre… D’un bout à l’autre c’est le plaisir du texte cher à Roland Barthes. 

Patrick Ottaviani (09/11)

 

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Ask the dust

John Fante est né le 8 avril 1909 au Colorado. Il décédera le 8 mai 1983 dans un hôpital de Malibu. Son œuvre romanesque est essen-tiellement autobiographique. Fils d'immigrés italiens, il étudie chez les jésuites pour finalement se rendre à Los Angeles en 1929 où il travaille dans une conserverie de poisson. En 1932Ses première nouvelles sont remarquées par H.L. Mencken, rédacteur du prestigieux magazine littéraire The American Mercury. 'Ask the Dust' (' Demande à la poussière') publié en 1939 relate, avec une écriture sèche et lyrique, à fleur de peau, la vie californienne d'un Fante/Bandini torturé. Tombé dans l’oubli, son œuvre est rééditée dans les années quatre-vingt grâce à Charles Bukowsky  qui le considére comme le précurseur de la beat génération. 

Fante

Demande à la poussière est un roman initiatique, mâtinée par instants « D’attrape cœur salingerien ». Mille et une élucubrations nourrissent les aventures d’Arturo Bandini.

 

Extrait de la préface de "Demande à la poussière" par Charles Bukowski

"Un jour, j'ai attrapé un livre, je l'ai ouvert et c'était ça.. Je restai planté un moment en le lisant, comme un homme qui a trouvé de l'or à la décharge publique... Les phrases coulaient si facilement à travers la page, c'était comme un flux. Chaque ligne avait son énergie. La vraie substance des phrases donnait une forme à la page comme si elle était sculptée. Enfin je découvris un homme qui n'avait pas peur de l'émotion. Le début de ce livre me fit l'effet d'un miracle énorme et violent. Le livre était "Demande à la poussière" et l'auteur John Fante. Toute ma vie son influence a illuminé mon travail...  Oui, Fante a eu un énorme effet sur moi. Peu de temps aprés avoir lu ses livres, j'ai commencé à vivre avec une femme qui était une plus grande ivrogne que moi, nous avions de grandes bagarres, souvent je lui criais : "Je ne m'appelle pas f... de p... , je m'appelle Bandini, Arturo Bandini !" Fante était mon dieu."

Fante jeune