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Moi, la Gare - La Gare de l'Est nous raconte

Patrice AMARGER

Moi, la Gare
La Gare de l’Est nous raconte

 

Une gare. Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une gare ? Qu’est-ce qu’on y voit ? 
J’habite comme de nombreux Parisiens, près de l’une d’elles. La mienne, pour ainsi dire, se trouve être la Gare de L’Est. Je la fréquente beaucoup. J’y achète mon journal, mes cigarettes, je bois parfois un café ou une bière à l’une de ses buvettes. Il m’arrive aussi de prendre l’un de ses trains vers une ville de l’Est : Nancy, Mulhouse, Strasbourg et même Vesoul (une fois !). Elle est tellement intégrée à mon paysage quotidien que lorsque je m’y trouve, je ne lève jamais la tête vers ses voûtes, je ne baisse jamais les yeux vers son sol. Les gens qui la traversent attirent bien plus mon attention ou, pour être plus précis, distraient bien plus mon attention.
En fait je la vois à peine. Je lui trouve comme tout un chacun, une élégante silhouette. Point à la ligne.

Cet aveuglement aurait pu durer encore et encore, mais dans le ‘Relay H’ de son hall justement, je suis tombé sur un livre ! Livre que j’ai acheté sans lire sa quatrième de couverture et sans l’avoir feuilleté. Je l’ai acheté simplement attiré par son titre et la photo qui l’accompagne : Moi, la Gare, La Gare de l’Est nous raconte. Sur la photo : son élégante silhouette et la statue de la ville de Strasbourg qui la surplombe.

                 Gare de l est2

Très vite, de page en page, cette gare pourtant si familière, s’est mise à vivre sous mes yeux, elle s’est confiée à moi comme une vieille pocharde rencontrée dans un bar du boulevard de Strasbourg. Bien sûr, à nos côtés il y avait Patrice Amarger qui prenait bien note de tout ce qu’elle disait pour nous offrir ce livre si original dans son intention, si riche d’histoire, si émouvant aussi. Un livre constellé également de petites anecdotes, des drôles et d’autres bien moins amusantes.

Ainsi de l’embarcadère1 pour Strasbourg de 1849 au double fronton de la Gare de l’Est que nous voyons aujourd’hui, nous assistons, au fil de l’augmentation de son trafic, à l’évolution de ses transformations et à son histoire ! Car nulle autre gare de France n’est autant liée à l’Histoire de la France elle-même que la Gare de l’Est. Bien sûr nous viennent aussitôt à l’esprit nos poilus de 14 avec leur pantalon garance si visible pour un œil ennemi. Mais cette gare en a vu bien d’autres, ceux de 1870, ceux de 1939, partir vers cet Est où il y avait toujours une frontière à défendre, à protéger. La Gare de l’Est, nous raconte Patrice Amarger, a souffert pendant plus de cent cinquante ans autant de la tristesse des départs pour le front que des retours des convois de blessés, de déportés et de prisonniers. 
Écoutez, la Gare de l’Est nous raconter l’arrivée des premières victimes de 14 :« Bien sûr, la plupart d’entre elles m’étaient camouflées, par les pansements, ou par les draps sur les civières. Il me fallait deviner. Mais à mesure que la guerre se prolongeait, cela devenait hélas de plus en plus facile. Celui-là, la tête entièrement entourée de bandages, avait-il encore un visage ? Cet autre, sur sa civière, tout emmailloté de bandelettes comme une momie égyptienne, n’était-ce pas un grand brûlé ? Malgré ce qui les cachait, il y avait des blessures qu’il était aisé d’identifier. Sur telle civière, on voyait bien qu’une seule jambe faisait bosse sous le drap. Et à tel avant-bras pansé, on voyait qu’il manquait la longueur d’une main. »   
Mais les guerres se terminent et ne recommencent jamais… jamais plus ! (sic).

Patrice Amarger… pardon, la Gare de l’Est, ne nous raconte pas que les épreuves de la France. Elle nous parle de l’ingéniosité des hommes et des monstres de génie qu’ils ont imaginés pour les véhiculer. Cela va de l’énorme machine à vapeur crachant son feu et conduite par ceux qu’on surnommait les "gueules noires", jusqu’aux TGV de nos jours que l’on peut conduire en costume cravate, attaché-case aux pieds, sans oublier le prestigieux Orient-Express, dont elle était la fière tête de ligne. Les passionnés des chemins de fer se régaleront à la lecture de Moi, la Gare dans les passages où elle évoque les différentes locomotives et wagons qui se sont succédé sur ses rails.

Elle nous parle aussi d’elle de son physique, de ses prises de poids et de ses opérations de transformations tant fonctionnelles qu’esthétiques – les gares de Paris (toutes !) sont les monuments de la capitale qui ont subi les métamorphoses les plus frappantes. Ainsi, entre 1929 et 1930, pour qu’elle s’installe confortablement et devienne celle que nous pouvons admirer aujourd’hui, il a fallu déplacer de soixante mètres la rue du Faubourg Saint-Martin qui, avant cela, s’écoulait tranquillement et sans courbe de la porte Saint-Martin à la Rotonde de la Villette. Des travaux que l’on peut qualifier de titanesques !

J’aurais voulu vous citer une ou deux des anecdotes qu’elle nous rapporte dans ce livre. Mais je serais tenté de les citer toutes tant chacune d’elles a son intérêt et son charme.

Un des principes éditoriaux des Éditions de la Bisquine est : « Le genre biographique représente un accès plaisant à la culture, à condition qu’il ouvre un éventail de chemins de connaissance et d’analyse que chaque lecteur pourra emprunter à son goût. » Pour Moi, la Gare, l’objectif est atteint. 

1. Ainsi se nommaient les gares à l’origine. « C’était logique, puisque c’est par nous que l’on embarquait dans cette fantastique création technique : le train ! » Patrice Amarger.

David Nahmias 
(19/08/15)    


 










 
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Article paru sur le site d'Encres-Vagabondes
 

Éditions de la Bisquine
 
(Avril 2015)
336 pages – 20 € 







 


Patrice Amarger,
né en 1954, passionné d'Histoire et de voyages, 
a publié chez Laffont
La domination du monde
et L’exécution de Provence.